Cet article avait initialement été écrit en mars 2015 pour le magazine « 4th & Goal » mais suite à la fin de sa publication, il n’aura trouvé lecteur. Voici ici l’occasion de faire découvrir les paroles de ces joueuses engagées !
La première journée de l’inédit Challenge National féminin est l’occasion pour deux équipes de jouer leur tout premier match : les Argocanes et les Gorgones, deux équipes créées la saison passée, que la passion et les défis du foot US réunissent. Nous avons décidé de les mettre à l’honneur dans ce numéro et de partager leur début en tant qu’équipe et leurs premiers pas sur le field.
Les Gorgones ou Team Lorraine – Photo d’Émilie Dautriche
Les Gorgones sont l’union des Artilleurs de Metz, des Blizzards de Freyming-Merlebach, des Highlanders d’Épinal et des Tigres de Nancy. Anne-Sophie (21 ans, CE/Capitaine), Camille (22 ans, WB/CB), Laetitia, (24 ans, RB) et Jessica (28 ans, RB/DE) ont accepté de répondre à quelques questions la semaine précédent leur premier match.
Les ArgoCanes quant à elles sont une alliance entre les Argonautes d’Aix-en-Provence et les Hurricanes de Montpellier. Sophie (20 ans, RB/Capitaine) et Sandrine (29 ans, WR/CB) ont répondu après leur première victoire.
Les Argocanes lors de leur premier match. Photo de Nicolas Nogue
PASSION
La passion les unit toutes. Certaines jouaient au flag avant, d’autres en équipé avec les garçons, mais pour la plupart, le football américain est une découverte récente qu’elles aient été sportives ou pas. Ce qui les réunit toutes : le coup de foudre pour cette discipline.
Anne-Sophie raconte comment elle est tombée amoureuse de ce sport de contact pour lequel la tête est aussi importante que les jambes. Comme tout autre joueur de football, elles sont profondément convaincues d’avoir découvert un sport extraordinaire, ouvert à tous, aux valeurs fortes, où le respect, l’esprit d’équipe et le dépassement de soi sont indispensables.
Pour Camille c’est un match de Super Bowl qui a déclenché chez elle « une certaine euphorie » dit-elle, comme une évidence.
AU DELÀ DES LIMITES
Même volontaires, recruter et construire une équipe féminine reste, selon les cas, un véritable défi. S’imposer en tant que joueuses de football américain au sein d’un club n’est pas toujours facile. Bien souvent les sections féminines sont de nouveaux projets et pas forcément prises au sérieux au premier abord. « Plus l’équipe s’est agrandie et le projet de la Team Lorraine (Gorgones) s’est concrétisé, plus nous avons été prises au sérieux. Maintenant, je sens que le club est derrière nous et nous soutient à 100% et j’espère qu’ils seront nombreux à venir nous supporter dimanche. » explique Laetitia. Camille est d’accord. Selon elle leur voix commence à se faire entendre. La communication plus fluide, elle raconte bien se sentir chez les Tigres. Anne-Sophie va encore plus loin : « Avec tout le temps que je consacre à ma passion au sein de l’association que ce soit en joueuse, arbitre ou en simple bénévole, les Tigres sont devenus ma deuxième famille ! La route est difficile pour maintenir sur pieds une toute jeune équipe féminine mais c’est à force d’investissement que nous faisons notre place et que nous tentons de nous imposer de manière définitive dans le paysage du club. »
Les Gorgones au training – Photo D’Émilie Dautriche
TEAM WORK
Le football au féminin, bien qu’il ait de beaux jours devant lui, reste une activité encore peu connue. Faute de pouvoir suffisamment recruter, certaines équipes ont donc recours aux alliances avec toutes les problématiques d’équilibre et d’osmose que cela comporte.
Au delà des questions logistiques, de trainings et de cahier de jeux, ces unions doivent trouver une énergie commune, un rythme de marche. La fusion semble avoir bien fonctionné au sein de ces deux exemples, les retours étant très positifs. On parle d’impartialité, de buts communs, de fluidité, d’échanges, d’entraide, de véritables équipes en somme.
Mais comme le souligne très judicieusement Anne-Sophie des Gorgones, l’avenir est le développement : « Aujourd’hui je suis convaincue des bienfaits de cette entente qui ne nous amène que du positif. Mais je reste convaincue que chaque club doit trouver les ressources pour créer sa propre section féminine indépendante. Une entente lorraine c’est bien mais pouvoir avoir 4 équipes en lorraine ce serait encore mieux ! »
Les joueuses travaillent dur et à l’arrivée du match, elles m’expliquent que le rythme et le contenu des trainings a changé comme vous pouvez l’imaginer. Au delà des résultats et du jeu sur le terrain ce qui me marque dans leur propos c’est leur entraide et le profond respect qu’elles ont chacune pour les autres. Rien de bien nouveau dans le monde du football me direz-vous ? Nous sommes d’accord, c’est pour cela que nous pratiquons notre sport. Cependant c’est toujours plaisant et important de l’entendre. « L’esprit d’équipe, la solidarité entre les filles. Ce n’est pas quelque chose que l’on retrouve partout. Je trouve qu’il n’y a que dans le sport où l’on peut ressentir ça, le sentiment d’appartenir à un groupe soudé et le fait qu’on se soutienne les unes et les autres. », explique Laetitia, alors que Camille ajoute : « Je savais qu’il y avait un vrai esprit d’équipe dans le foot américain, mais à ce point ?! C’est de la folie, j’adore ! »
La capitaine Gorgone, Anne-Sophie parle de ses coéquipières :
« Je suis vraiment heureuse d’avoir des femmes comme elles à mes côtés ! Elles sont toutes arrivées au compte goutte cette année pour la plupart. Elles sont fières, indépendantes et investies et elles savent que notre profond esprit d’équipe est notre meilleure arme. Ce n’est pas ma première relation d’équipe mais c’est de loin la meilleure et celle dont je garderais le souvenir sur les années. »
Elles sont confiantes et fières de jouer ensemble. Ces athlètes en initiation, sont à mon sens source d’inspiration même pour les joueurs plus expérimentés. Nous sommes d’ailleurs loin des stéréotypes sur les équipes féminines : « Je me disais que ce serait un peu compliqué à intégrer, mais pas du tout, superbe accueil, j’ai été surprise ! J’ai toujours pratiqué des sports individuels et donc je n’ai jamais ressenti ce soutien à mon arrivée, ça fait plaisir ! » Camille.
Les Gorgones au training pré-match. Photo d’Émilie Dautriche
LE PREMIER MATCH
À quelques jours d’affronter les expérimentées Sparkles, les Gorgones ont conscience que ce ne sera pas une mince affaire mais semblent plus que jamais déterminées : « Je suis dépitée d’être blessée, les voir aux entraînements me donne encore plus envie d’être sur le terrain. À défaut d’être utile dans le jeu, j’espère être là pour les motiver à fond. Ce match, on peut le gagner au mental. Je pense qu’elles sont un peu stressées, on est un peu les outsiders mais je crois en elles. Je suis sûre qu’elles sont capables de se dépasser » explique Laetitia, des Gorgones. « Surtout, il ne faut pas se décourager, peu importe le score ».
« Nous savons que nous ne sommes pas les favoris dans ce groupe nord. Nous avons l’envie et c’est tout ce qui compte. Ça n’a pas toujours été évident, nous n’étions que six licenciées au mois de novembre, mais à quelques jours de la première journée du challenge, on peut se le dire : c’est déjà une grande réussite de pouvoir jouer ce premier match. » Camille
Toutes plus enthousiastes les unes que les autres, elles expliquent ressentir un mélange d’impatience et d’appréhension en réalisant que ce match serait l’aboutissement de tant de mois d’entraînement. Comme le souligne Sandrine des Argocanes, ce serait également la première expérience des conditions réelles de jeux et de l’arbitrage.
Elles partagent sans aucun doute l’énergie et l’envie de se surpasser. Elles sont remontées à bloc et n’attendent qu’à en découdre ! Elles saisissent néanmoins l’occasion pour se souffler de belles valeurs, comme le souligne Jessica : « Cette envie de tout rafler sur notre passage a un côté très stimulant. J’adore ça car on est dans un monde à part du quotidien qui fait ressortir notre personnalité. Je retiendrai les mots de nos coachs : Être humble face à l’adversaire, ne jamais rien lâcher, avoir l’envie de gagner et soutenir notre équipe. »
Le jour de vérité : « Je n’irais pas à ce challenge si je n’avais pas une confiance aveugle en elles toutes, et c’est le cas. Ce sont des femmes fortes et investies qui vont enfin montrer à toutes et tous de quoi elles sont capables ! » Anne-Sophie. Que ce soit dans la victoire ou la défaite, elles ressortiront grandies de ce match.
Comme nous l’avons tous vécu, et comme l’a découvert pour la première fois Sandrine : « une fois sur le terrain, et le premier coup de pied donné, le stress disparaît pour laisser place à l’adrénaline et la concentration. Le temps passe vite… ». Sophie des Argocanes, qui joue pourtant au football équipé avec les garçons depuis 12 ans, explique ne s’être jamais sentie aussi utile et importante pour son équipe. C’est aussi le rôle que tiennent les joueuses les plus expérimentées, en apportant le petit plus pour mettre le groupe dans le sens de la marche. Leur soutien fera sûrement évoluer notre sport.
Les Argocanes qui ont déjà joué leur match au moment des interviews, semblent encore plus unies qu’auparavant : « Je nous ai vraiment senties comme une équipe. » dit Sandrine alors que Sophie ajoute sur ses coéquipières : « Je les vois maintenant comme des guerrières qui se sont battues jusqu’au bout pour décrocher notre première victoire ! ». Heureuses d’avoir vu leurs efforts se concrétiser de la plus belle des manières, leur souvenir le plus fort fut évidemment leur tout premier touchdown arrivé comme une délivrance alors qu’elles étaient menées en début de rencontre. Elles pensent déjà aux prochains matchs : « Nous allons aborder le prochain avec encore plus d’envie, nous savons maintenant ce qui nous attend et nous n’avons qu’une hâte, c’est que ça recommence. » Sophie
ArgoCanes vs CDFA 33 – Photo de Nicolas Nogue
Alors que je joue moi-même au football depuis 4 ans, j’ai tenu à partager avec vous ces témoignages débordants d’enthousiasme et de détermination car ils sont source d’inspiration pour nous tous : des femmes conquérantes et unies qui n’ont pas froid aux yeux.
Nous avons tous nos souvenirs du début, de notre premier match… Beaucoup de joueurs masculins liront ces lignes. Je suis sûre qu’eux aussi se reconnaîtront dans ces propos et réaliseront que l’envie du foot est finalement universelle. Il est parfois difficile de s’imposer en tant que joueuses ou équipe féminine, pourtant la passion reste la même. Qu’il s’agisse de nos interviewées, des participantes du challenge ou des joueuses des équipes nouvelles, toutes en sont la preuve. Le football féminin avance bel et bien. Et c’est une bonne chose pour tous !
Go girls !
Par Sylvie Aïbeche