WWFGIII // Une Frenchie chez les Saints !
24
Mar
Alors que la troisième édition des Women’s World Football Games vient de s’achever, Mathias du site internet Foot Ricain a voulu en savoir plus sur cet évènement hors du commun et m’a proposé de répondre à quelques questions. Une fois n’est pas coutume, c’est avec plaisir que j’accepte d’échanger de casquette pour revenir sur cette belle semaine. Merci à lui pour cette discussion très sympa que je repartage en y ajoutant des photos et des vidéos du camp.
Foot Ricain : Salut Sylvie, Peux-tu te présenter ? Dʼoù viens-tu, dans quel club joues-tu et à quel poste ?
Sylvie Aïbeche : Je joue chez les Dragons de Paris et joue Quarterback depuis l’année dernière. Cette saison sera ma cinquième et ma toute première en compétition. Enfin ! Je suis également coordinatrice offensive des U16 depuis septembre et neo-ARR IDF (arbitre principale). C’est un petit challenge d’arriver à tout allier mais chacune des casquettes apporte beaucoup aux autres.
Je gère aussi la page Facebook et le site Internet « Football Américain Féminin ». C’est d’ailleurs drôle de répondre aux questions et de ne pas les poser pour une fois ! 😉

Tu es française et en plus une femme, tu cumules un peu les difficultés ! Comment as-tu connu le Football Américain et comment es-tu venue à y jouer en club ?
Je connaissais vaguement le Football Américain avant mais la petite histoire veut que j’en découvre vraiment plus en regardant Friday Night Lights. Haha ! Il me restait un mois pour finir mon mémoire de fin d’études. Un mois pendant lequel je me levais tôt tous les matins pour… regarder à la chaîne les cinq saisons de la série ! Tout m’a parlé de suite, le sport en lui-même dont tout me plaisait, l’esprit d’équipe, d’abnégation, la volonté et toutes les valeurs fortes de ce sport.. J’étais totalement conquise ! Ok c’est une série et ça reste romancé mais je m’y retrouve toujours autant maintenant que je joue. Du coup, j’ai cherché une équipe, déterminée à commencer dès que possible. Le premier dimanche après avoir rendu mon mémoire, j’étais équipée sur le field pour la première fois… Sensation incroyable que je n’oublierai jamais ! Ça y est, j’étais addict et jouais mon premier match quelques mois après.
J’ai pratiqué d’autres sports avant, en équipe aussi mais je n’ai jamais ressenti les émotions du Football. C’était finalement ce qu’il me fallait, être sur un field me paraît vraiment naturel, on s’y sent bien. Je regrette juste de ne pas avoir commencé plus tôt.
Tout dʼabord merci de nous consacrer de ton temps précieux en direct de la Nouvelle Orléans. En quelques mots, quʼest-ce que ce fameux WWFG ?
Les WWFG sont des camps annuels organisés par USA Football (et NFL Events depuis cette année) qui ont pour but de regrouper pendant une semaine les joueuses du monde entier. Cette édition était la troisième et la première de cette envergure en terme de nombre et de cadre. Elle regroupait 224 joueuses de 17 pays différents. Nous étions 8 françaises. D’autres auraient voulu venir mais au-delà du budget, le camp tombait en plein Challenge (championnat de France féminin). Le must serait que la la FFFA puisse éventuellement prendre en compte ce camp lors de l’élaboration du prochain calendrier. Je ne manquerai pas de leur envoyer les dates dès que possible car l’expérience vaut vraiment le coup.
Tu as été sélectionnée ? Comment tu tʼes retrouvée ici ?
Il n’y a pas eu de sélection. Il suffit de s’inscrire dans la limite des places disponibles. J’ai découvert ce camp sur Facebook en suivant l’actualité du Football féminin international. Je voulais déjà y aller l’an dernier mais c’était logistiquement et financièrement impossible. J’ai un peu forcé la chance de ce côté cette année et je suis heureuse d’avoir sauté le pas. Je continuerai à promouvoir ces camps car au-delà de l’expérience personnelle, c’est un excellent moyen de développer notre sport à tous les points de vue. Les échanges y sont très forts et le fait de découvrir le soutien que l’on a du monde entier offre énormément d’énergie pour le retour en France et renforce l’envie de faire avancer et solidifier les choses.
Les Frenchies à NOLA – Photo de Bruce Brownson
Vous avez été superbement bien reçues, Trophée Lombardi, staff et même de grandes personnalités du Football comme le QB des Saints Drew Brees ou encore Dr. Jen Welter, première femme entraîneur en NFL et joueuse de la Team USA. Ca tʼas fais quoi dʼêtre reçue là -bas avec le turf rouge ?
Avoir été accueillies chez les Saints avec autant de générosité c’est juste incroyable ! Il faut savoir que contrairement aux autres équipes NFL contactées, ils n’ont demandé absolument aucune rétribution pour la semaine passée là -bas (tarif normal : 15000 $ de l’heure). Il s’agit d’un « cadeau » fait au Football féminin pour aider à son développement. Ils se sont placés en tant que pionniers afin d’inspirer d’autres équipes à en faire de même ! Les invités quotidiens et les coachs étaient enthousiastes à l’idée d’être là . Pour tout vous dire on s’en est pris plein les yeux et la tête pendant une semaine ! Les surprises n’arrêtaient pas, c’était juste incroyable ! Les américains savent y faire et Sam Rapoport l’organisatrice ainsi que les Saints ont vraiment tout fait pour que chaque jour soit plus fou et riche que le précédent !
Quel a été ton premier mot quand tu es rentrée dans les installations des Saints ? (tu peux balancer si c’était une grossièreté !)
« Wow » ! Sincèrement je suis restée sans voix. C’était trop fou… Je n’aurais jamais pensé ça possible. On ne réalise pas avant d’y être. Ce qui est drôle c’est que durant les trainings, on joue à fond comme n’importe où ailleurs, puis on lève la tête et on voit les grands panneaux avec les titres gagnés par les Saints et seulement là on réalise de nouveau : « Wow, je suis vraiment là , j’avais complètement oublié » ! Comme l’on dit les coachs, ce lieu est un peu comme une cathédrale… Plus on descend dans le sud des États-Unis, plus le Football est considéré comme une religion. C’est vraiment la sensation que l’on avait. Avoir la chance d’être dans un lieu pareil, c’est un peu comme un pèlerinage dans un lieu « saint » de notre sport. Hahaha ! J’exagère à peine, hein !
Au-delà de tout ça c’est juste un lieu magnifique, nous étions véritablement dans les meilleures conditions pour jouer !


Quʼest-ce qui t’impressionne le plus ici ?
Le plus impressionnant je pense, est la somme d’informations qu’on m’a demandé d’analyser en tant que QB. Alors que j’en étais à peine à comprendre en autonomie le cahier de jeu (on ne revient pas du tout sur ces sujets), à apprendre par coeur les 24 combinaisons de passes à 4 receveurs, la logique du décompte complètement différente et la réalisation de la zone read à une vitesse folle… en réunion de QB ou d’offense on ne parlait que de lecture de la defense et de changements de jeux sur la ligne de scrimmage, par des audibles donc.Â
Les premiers jours ont été complexes à gérer au niveau mental. La fatigue accumulée en France, celle du voyage (j’ai été très malade les premiers jours en plus) et celle du stage se sont accumulées, du coup c’était difficile de rentrer le soir et d’étudier autant que nécessaire, compte tenu de la densité des informations reçues. Ne vous vous méprenez pas, c’était génial aussi car c’était un réel challenge.
Au final, c’est rentré, ne me demandez pas comment ! En scrimmage, notre équipe a marqué un TD sur mon premier audible. J’étais aux anges !
Je prendrai tout de même quelques jours de vacances avant le prochain camp pour arriver en pleine forme ! 😉
J’étais également très heureuse à l’idée d’être coachée par des QBs féminines telles qu’Allyson Hamlin ou Lisa Horton. C’était une surprise car je ne m’y attendais pas du tout. Elles jouent au top niveau aux États-Unis depuis tellement d’années, elles savent vraiment de quoi elles parlent et sont extrêmement douées. Elles sont aussi très généreuses et ont envie de partager tout cela avec les générations suivantes. C’était une chance inouïe. Pour ceux qui ne suivent pas le Foot féminin international, ça ne veut pas dire grand chose je suppose. Disons qu’elles sont un peu des modèles à suivre, en tout cas pour moi.Â

Tu es mélangée avec 224 joueuses de 17 pays différents, le niveau tʼa tʼil impressionné ? Cʼest différent dʼici en France ?
Oui le niveau est hallucinant ! J’ai été en stage en Finlande où il était déjà très haut, mais là j’avoue que c’est encore un cran au-dessus. Le gabarit des américaines est vraiment différent de celui des françaises. Elles travaillent vraiment dur à la salle et ça se voit ! Ce qui en ressort le plus, c’est vraiment une plus grande explosivité et beaucoup d’impact et de vitesse. Ça fuse à tous les postes, c’est impressionnant. La différence de vitesse de jeu est vraiment ce qui m’a le plus frappée, en plus de la compréhension du Foot d’un autre calibre que je mentionnais déjà .
Nous avons été séparées en 3 groupes de niveaux. J’ai joué le match final en tant qu’intermédiaire. Vu que je commence à peine ma deuxième saison en tant que QB, c’est déjà un grand accomplissement pour moi. Je pense que ça a également été bénéfique à ma courbe d’apprentissage. J’ai l’impression qu’on progresse mieux de facto en jouant un niveau au-dessus. Pendant la semaine, on a parfois été opposées à une D dite « confirmée » et ça s’est senti. Bon après on joue avec des filles incroyables sportivement et humainement, donc ça ne peut que super bien se passer.Â

Si tu devais faire un top 3 des pays ?
Humm… c’est compliqué à dire car il y a vraiment de tous les niveaux au sein même des pays. Et ça dépend également des postes. Une partie des américaines est vraiment bien au-dessus, bien que l’autre partie soit constituée de débutantes.Â
Les canadiennes et les allemandes étaient vraiment pas mal aussi dans l’ensemble. En réalité, il y avait vraiment de bons éléments de tous les pays et toutes les joueuses étaient à fond et ont progressé durant la semaine.
Pour toi, quelles seraient les prochaines étapes à franchir pour que le Football Américain Féminin continue de grandir dans la maison mère aux USA et en France ?
Les prochaines étapes aux Etats-Unis sont déjà en marche… vers plus de reconnaissance et de médiatisation à grande échelle et la professionnalisation éventuelle de joueuses ou femmes coachs. Ils mettent les moyens et les portes s’ouvrent. La NFL a co-organisé ce camp et a mis à disposition son équipe NFL Film pour une diffusion des images sur NFL Network. Ce n’est pas rien. On sent que ça avance vraiment et cela notamment grâce à des femmes très investies qui apportent énormément et à des coachs définitivement convaincus et impliqués dans le féminin qui font ça à fond. Pour le reste, je leur fais confiance. Ils sont extrêmement motivés à développer leur sport à l’international aussi, par ce genre d’évènement notamment. Il se crée d’ailleurs une véritable communauté internationale du Football américain féminin dans laquelle on ressent une grande solidarité. C’est très agréable et inspirant. Je suppose que c’est déjà un combat d’être une joueuse de Football américain en soit, du coup il se crée des liens forts directement. C’est fou ! On a reçu énormément de soutien concernant la création d’une équipe nationale notamment. Tout le monde l’attend à l’étranger car ils savent que c’est possible contrairement à ce que l’on croit souvent et que ça en vaut le coup, même à notre niveau. Elles ont toutes commencé comme ça.
Ce sera clairement une étape à franchir pour nous car l’international apporte beaucoup au jeu national. Je viens encore d’en avoir la confirmation. Après chez nous il faudra à mon sens :
- L’implication de plus de coachs pour développer les sections qui sont jusqu’à présent plutôt pauvres en la matière. Nous avons des coachs motivés évidemment mais pas assez. Souvent un ou deux entraîneurs gèrent des équipes entières et sans forcément connaître tous les postes. C’est difficile de travailler la technique ainsi. Développer la qualité de l’enseignement sera évidemment un grand levier de développement.
- une plus grande ouverture d’esprit concernant les moyens à déployer pour recruter. En effet, en l’état des choses, ça paraît moins évident qu’une fille se tourne vers notre sport. Je ne suis pas pour une « com vide » et à outrance, loin de là . On a vu par le passé que ça ne fonctionne pas et c’est même contreproductif ou nuisible. Je pense cependant qu’il faut donner un coup de pouce supplémentaire pour recruter des femmes et pourquoi pas dès l’adolescence.
- Plus de soutien, de structuration, de confiance et de clarté de la part de la fédération, je pense. Une idée serait d’officialiser le développement du Football américain féminin par des objectifs connus publiquement vers lesquels nous pourrions avancer ensemble. Après je ne sais pas comment ça se passe de ce point de vue là habituellement. Ce que je constate, c’est qu’il y a beaucoup de motivation de la part des joueuses et de certains coachs, mais les intentions officielles sont encore vagues. Elles existent sûrement, du coup autant les partager avec les acteurs qui souhaitent aider pour mieux travailler.
On a lʼimpression quʼil y a un boom en France ces derniers temps du Football Féminin, grâce à quoi, à qui ?
Boom à proprement parlé je ne sais pas mais ça progresse, c’est sûr ! C’est indéniablement grâce aux joueuses qui sont plus motivées que jamais. Elles se battent pour que leur sport avance, elles sont passionnées, concentrées et déterminées à apprendre et s’éclater. C’est ce qui ressort toujours. Je le ressens comme ça et j’ai souvent entendu dire la même chose de la part des coachs. J’espère que toute cette énergie continuera et que nous arriverons à construire quelque chose de solide.Â
Quel est ton ressenti sur la Legends Football League (anciennement Lingerie Football League pour dire !), toi qui joues bien au chaud sous tes épaulières et ton pantalon ? Car malgré cette image un peu réductrice, ce sont de véritables athlètes et les regarder nʼest pas quʼagréable pour les yeux !
La LFL n’a à mes yeux rien à voir avec le sport que j’aime. C’est un divertissement vulgaire je dirais. Ok il y a des hits mais pas plus qu’en féminin traditionnel. D’ailleurs je ne retrouve pas les valeurs qui m’ont fait aimer le Football, bien au contraire. L’état d’esprit prôné et mis en avant est à l’opposé de ma conception d’une joueuse ou d’une équipe. Ce que j’aime particulièrement dans notre sport, c’est de pouvoir regarder mes coéquipières, toutes plus différentes les unes que les autres, et me dire qu’il y a une place pour chacune d’entre elles. En LFL il n’y aurait même pas 1% de mon équipe qui pourrait jouer sur un tri uniquement fondé sur des critères plastiques (je l’ai entendu de la bouche de Mortaza (CEO de la LFL) en personne quand il est venu en France). Le sport est censé briser ce genre de barrières, c’est pourquoi je ne la qualifierais même pas de tel.Â
Tout cela sans avoir même abordé les problèmes d’image de la femme et de sécurité ou des dérives, des abus et des affaires sordides devenus monnaie courante dans cette ligue.
Il y a du très beau jeu en football féminin dans le monde. Autant promouvoir ces athlètes et le cœur qu’elles y mettent.
Longue vie au « No Joke Football » et Whodat comme on dit à New Orleans.
J’espère vraiment que toutes les françaises qui souhaitent aller au camp l’an prochain puissent le faire. C’est un rêve qu’il sera encore plus cool de vivre en grand nombre !
Merci à toutes et tous pour le soutien et découvrez plus de news sur le monde du football américain sur le site bien cool et complet FootRicain.net.